- AGORACRITOS DE PAROS
- AGORACRITOS DE PAROSAGORACRITOS DE PAROS (actif dernier tiers \AGORACRITOS DE PAROS Ve s.)Sculpteur grec, disciple de Phidias, Agoracritos de Paros est actif durant le dernier tiers du \AGORACRITOS DE PAROS Ve siècle. Trois de ses œuvres sont connues par les sources antiques: un groupe en bronze d’Athéna Itonia et d’Hadès à Coronée, en Béotie (Pausanias, Description de la Grèce , IX, XXXIV, 1); une statue de culte de Cybèle, Mère des dieux, pour le Métrôon de l’agora d’Athènes (Pline l’Ancien, Histoire naturelle , XXXVI, 17), attribuée à Phidias par Arrien (Périple du Pont-Euxin , 9) et Pausanias (I, III, 5); et surtout la statue colossale, en marbre de Paros, de Némésis à Rhamnonte, petite commune de l’Attique située en face de l’Eubée. Ici encore les sources antiques, assez nombreuses, divergent: certaines attribuent cette statue à Agoracritos (Pline l’Ancien, XXXVI, 17), d’autres à Phidias (Paus., I, XXXIII, 2); Zénobe (V, 82) rapporte qu’Antigonos de Carystos avait découvert sur la statue la signature d’Agoracritos, mais qu’il s’agit d’un faux, Phidias ayant voulu faire passer la statue qu’il avait créée pour l’œuvre d’Agoracritos dont il était épris — version romanesque suivie par les compilateurs tardifs (Suidas, Photius, Esychius, Tzétzès). Pline raconte d’autre part (ibid. ) qu’Agoracritos et Alcamène s’étant trouvés en compétition pour réaliser une statue d’Aphrodite, le second l’avait emporté, non pas à cause de la supériorité de son œuvre, mais parce qu’il était Athénien, en sorte qu’Agoracritos avait vendu sa statue refusée au petit sanctuaire de Némésis à Rhamnonte, village attique qui s’en enorgueillit durant toute l’Antiquité.Les fouilles exécutées à Rhamnonte en 1812-1813 par la société anglaise des Dilettanti avaient permis de retrouver nombre de fragments de la statue, qui furent laissés sur place et perdus depuis, sauf un fragment de la tête acquis en 1820 par le British Museum. Les fouilles de l’archéologue grec B. Staïs, en 1890-1892, produisirent un nouveau lot de fragments, tant de la statue de culte que des reliefs de sa base décrits par Pausanias, mais beaucoup furent égarés dans les réserves du Musée national d’Athènes. C’est cependant à partir de ces piètres vestiges que H. Schrader puis B. Schlörb se sont attachés à définir le style de cet artiste de premier plan, en essayant de retrouver dans certaines copies romaines l’écho de l’original déchiqueté.Une quête minutieuse sur le terrain et dans les réserves du Musée national d’Athènes a permis à G. Despinis de retrouver assez de fragments de la statue originale, qu’il date de \AGORACRITOS DE PAROS 430, pour déterminer avec sûreté son type, connu par onze répliques dont la meilleure est celle de Copenhague, qui provient d’Italie (Glyptothèque Ny Carlsberg, Inv. 2086). La déesse n’est pas, comme on l’avait cru jusqu’ici, vêtue d’un péplos à la façon dorienne mais, à la manière ionienne, d’une fine tunique longue dont les plis nombreux et nerveux s’opposent au drapé plus ample et profond du manteau, attaché sur l’épaule gauche, et qui enveloppe le bas du corps et le dos d’une étoffe plus épaisse. Suivant la description de Pausanias, elle tenait dans sa main gauche abaissée une branche de pommier et dans sa droite, avancée à l’horizontale, une phiale, coupe sans pied utilisée pour les libations. Durant l’été de 1977, G. Despinis a pu recueillir encore à Rhamnonte cent cinquante nouveaux fragments de la statue; il estime ainsi avoir récupéré ainsi plus d’un quart de la statue fracassée par les chrétiens au début du IVe siècle. Dès 1971, il a pu cependant tirer un certain nombre de conclusions décisives sur le style et l’œuvre d’Agoracritos, donnant ainsi pour la première fois une vue d’ensemble cohérente de la carrière du sculpteur.Né à Paros entre \AGORACRITOS DE PAROS 470 et \AGORACRITOS DE PAROS 460, Agoracritos a dû être formé dans les ateliers qui perpétuaient la vieille tradition créatrice de l’île avant de gagner Athènes, attiré par l’appel de main-d’œuvre provoqué par l’ouverture des chantiers du Parthénon en \AGORACRITOS DE PAROS 448-\AGORACRITOS DE PAROS 447. Phidias, le maître d’œuvre, n’aurait pas tardé à remarquer le jeune sculpteur, dont la métope 17 du côté sud serait la première œuvre personnelle, encore tout empreinte du style ionien insulaire, marqué par la vivacité chatoyante et sensuelle des surfaces. C’est alors que commence la première grande période créatrice d’Agoracritos (\AGORACRITOS DE PAROS 440-\AGORACRITOS DE PAROS 430): au contact de Phidias, dont la prédilection pour lui alla peut-être assez loin, il acquit ce qui faisait défaut à son empérament parien, mobile et rieur: l’intériorité qui allait lui permettre, à l’instar de son maître, de représenter des figures divines. Comme l’avait déjà établi E. Buschor (Phidias der Mensch , Münchner Verlag, 1948), sa manière se distingue non seulement sur les plaques I et II de la frise sud, et X de la frise ouest (cavaliers), mais surtout dans les hauts lieux de la frise et des frontons: plaque IV de la frise est (Hermès, Dionysos, Déméter et Arès), groupe de Dionè et d’Aphrodite du fronton est, figures N et Q du fronton ouest — toutes créations caractérisées par la liberté souveraine des attitudes, la carnation épanouie et surtout la sensibilité frémissante des drapés. Parallèlement, Agoracritos exécute différentes statues de culte, où son tempérament apparaît quelque peu bridé: Cybèle, d’une gravité éminemment phidiesque (meilleure copie au musée de Chéronée, en Béotie, Inv. 10); Hadès et Athéna pour Coronée (types dits du «Zeus de Dresde» et de l’«Athéna Farnèse-Hope»), Aphrodite-Némésis de Rhamnonte enfin. Cette œuvre marque un tournant dans la carrière du sculpteur: après l’accusation de détournement de fonds lancée contre Phidias, mort peut-être en prison à la suite de cette affaire, Agoracritos doit désormais voler de ses propres ailes: le refus de son Aphrodite par les Athéniens peut indiquer qu’il fut lui-même victime du discrédit jeté sur son maître. Rhamnonte put être pour lui une position de repli, où il trouva l’occasion de développer ou de maintenir son atelier naissant: l’écho direct de son style se perçoit dans les reliefs ornant la base de Némésis, dans l’acrotère faîtier oriental du temple ou dans la statuette votive de Lysicleidès (Musée national d’Athènes). Son style prend dès lors une orientation différente: sans renier la leçon de Phidias — surtout dans la manière de camper ses figures: la jambe non portante est souvent posée à plat sur le sol, ce qui donne au corps une assise très stable qui convient à la plénitude vigoureuse des formes —, il s’éloigne peu à peu de l’équilibre du classicisme attique, représenté par son rival Alcamène que guette parfois l’académisme, et joue un rôle essentiel dans la création de ce qu’on a appelé le «style riche». La statue d’Héra (type Borghèse de la Glyptothèque Ny Carlsberg de Copenhague), la frise du temple d’Athéna Niké sur l’Acropole (vers \AGORACRITOS DE PAROS 420), le groupe de Déméter et Coré (types de Déméter du Capitole et de Coré du Latran), la statue d’Aphrodite (type Doria-Pamphili) sont autant d’étapes de cette évolution, qui trouve son aboutissement dans les reliefs de la balustrade du temple d’Athéna Niké, dernière œuvre réalisée sur l’Acropole, vers \AGORACRITOS DE PAROS410, avant l’effondrement d’Athènes. Avec la Victoire rattachant sa sandale (musée de l’Acropole), la sensibilité ionienne d’Agoracritos s’affirme une dernière fois d’une façon magistrale: la «draperie mouillée», en laissant transparaître sous l’ondoiement incessamment modulé des tissus la plénitude du corps féminin campé dans une attitude déséquilibrée d’une élégance recherchée, unit indissociablement les deux éléments de la représentation humaine: le corps et le vêtement. Cette synthèse, dont le brio est animé par une sensualité radieuse, ne se retrouvera plus guère dans la génération suivante, qui s’épuisera en formules maniéristes de plus en plus stéréotypées jusqu’à ce que Praxitèle et Scopas viennent donner à la plastique grecque un élan nouveau.
Encyclopédie Universelle. 2012.